Le privilège de goûter des fraises en janvier!

15 août 2016

« Le conformisme commence à la définition »
– Georges Braque
J’ 
ai toujours pensé que les fraises ne poussaient pas en janvier, que ce petit fruit et, par extension, sa période de croissance et de maturité étaient réservés à nos étés québécois. Mon monde, voire mes perceptions, a pourtant été chamboulé vendredi dernier alors que j’étais de passage au Centre culturel de Joliette (CCJ) pour assister à l’adaptation musicale de la célèbre pièce de théâtre d’Évelyne de la Chenelière.
Des fraises en janvier… pour certains, le titre peut sembler banal aux premiers abords, mais la réalité en est tout autre. La présentation de ce théâtre musical lanaudois, revu et mis en scène par Frédéric Bélanger, bouleverse dès les premières partitions. Comme un choc qui ne finirait plus de finir, Des fraises en janvier frappe un coup de circuit, loin, très loin derrière la clôture.


La présence de comédiens de renoms – Isabelle Blais (Léa), Philippe Perras (François), Laurence Dauphinais (Sophie) et Stéphane Archambault (Robert) – y est surement pour quelque chose, mais n’explique pas pour autant l’excellence de la prestation. Le choix musical, les diverses thématiques, la profondeur de l’histoire principale, les transitions inter-scènes, l’éclairage participent également à cette incroyable expérience théâtrale.

Des fraises en janvier, c’est une histoire aux frontières du réel et de la fiction; c’est l’histoire d’une confrontation entre le monde des possibles, des espoirs et celui des préoccupations quotidiennes. Des fraises en janvier, c’est l’histoire d’un scénariste de film (François) qui est confronté à de nouveaux sentiments – comme l’amour, la déception, la jalousie et le mensonge –, qui s’entrecroisent et parfois s’harmonisent au grand dam des protagonistes et du personnage principal.

La répartie est splendide, pertinente, parfois directe, mais jamais vulgaire. Des fraises en janvier, c’est donc un théâtre musical romantique, mais pas quétaine, qui nous laisse bercer dans une poésie à la fois naïve, mais consciente. Bref, c’est le bouleversement de l’univers d’un jeune adulte, qui réalise, tout à coup, que le chemin qu’il s’était tracé est beaucoup plus sinueux qu’anticipé.
Or, avec un tel scénario, Des fraises en janvier aurait pu facilement sombrer dans la mélancolie ou même le cynisme; c’est pourtant tout le contraire qui se produit, alors que les personnages, malgré des échecs et des difficultés, finissent toujours par surmonter le désespoir. Bref, Des fraises en janvier, c’est prendre le goût à la vie, c’est vouloir croquer dedans à pleines dents.
Si j’avais à résumer l’idée derrière ce remarquable théâtre musical, j’opterais, en partie, par ce passage de François : « Je ne vois pas pourquoi, si on aime faire les courses ensemble, faire le ménage ensemble, prendre le petit-déjeuner ensemble, regarder de vieux films ensemble, je ne vois vraiment pas pourquoi on n’aimerait pas faire l’amour ensemble, chose plus excitante, il me semble, que les courses, le ménage et les vieux films […] »

En somme, Des fraises en janvier est une pièce équilibrée à merveille et, sans contredit, jouée à la perfection par les comédiens. C’est un délice sur toute la ligne, un peu comme l’idée de manger des bonnes fraises… en janvier!

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Des fraises en janvier
Présenté jusqu’au 3 septembre 2016
au Centre Culturel de Joliette (CCJ)

20, rue Saint-Charles-Borromée
Joliette, Québec
J6E 4T1
Tél : 450 759-6202