Enfin me direz-vous! C’est mission accomplie. 192 kilomètres de canot, de portages et de cordelles. Nous avons vaincu la Matawin!
Dans le cadre de mon programme de baccalauréat en Plein air et tourisme d’aventure de l’université du Québec à Chicoutimi, mon projet final d’étude consistait à réaliser une expédition d’envergure. Mon choix s’est arrêté sur la descente de la rivière Matawin soit du lac Odelin dans la réserve faunique Rouge-Matawin jusqu’à son embouchure qui se jette dans le Saint-Maurice. L’expédition c’est déroulée du 14 au 23 septembre. Ma partenaire était ma copine Audrey Blouin.
La rivière nous a réservée plusieurs surprises. Nous avons fait la découverte de paysages splendides où la forêt mature nous saluait de par sa grandeur. Nous avons vu des îles et des plages immenses où la pureté du sable et sa finesse nous déconcertaient de par leur beauté. La faune fut plutôt discrète. Nous n’avons pas eu la chance de voir d’ours. Nous avons cependant observé deux cerfs de Virginie dont un qui a traversé la rivière devant nous. Nous avons également été salués par un orignal en pleine nuit alors que l’on entendait ses pas lourds dans l’eau qui nous bordait. Il nous a même murmuré quelques sons! Nous avons fait l’observation de plusieurs oiseaux et canards tels que des bernaches du Canada, des grands hérons, des grands harles, etc. Nous avons découvert un réservoir si vaste, si impressionnant qu’est le Taureau. La limpidité de l’eau, les parois rocheuses et les petits canyons rencontrés sur la rivière étaient tout simplement incroyables.
Notre expérience nous a réservé également plusieurs difficultés. Nous avons dû conjuguer avec des températures très fraîches. Nous avons dû affronter des vents puissants. Les nuages et les averses de pluie nous talonnaient constamment. La température de l’eau était incroyablement froide pour la saison. Le niveau d’eau assez bas a augmenté le degré de difficulté de nombreux rapides. Les obstacles tels que les roches étaient nombreux. Nous avons dû à plusieurs reprises cordeler notre embarcation, soit la tirer avec deux cordes fixées à chaque extrémité du canot pour franchir les rapides trop dangereux. Nous avons fait plusieurs portages où le risque de cordelle était trop grand et nous avons marché énormément dans la rivière pour tirer notre canot.
Voici maintenant le résumé journalier de notre voyage mais avant tout le portrait type d’une journée.
Le lever se faisait aux alentours de 7h30. Le petit déjeuner suivait et par la suite, nous remballions tout notre matériel pour charger notre canot. Moment peu réjouissant avant le départ, était d’enfiler nos vêtements froids, humides et parfois mouillés. Vive le wet-suit et le néoprène! Les premiers coups de pagaies avaient généralement lieu vers 9h00. Nous étions sur l’eau pour environ 6h00. Nous entrecoupions notre progression par un léger dîner à base de saucissons et de noix. Nous déterminions le lieu où nous étions pour dormir vers 15h00. Venait ensuite le moment de déballer notre matériel pour ériger notre petit chez nous. Nous avions habituellement un peu de temps de repos avant de se lancer dans la préparation du souper. Comme dessert, notre lit avait la cote. Vers 19h00, nos petits yeux et notre corps nous abandonnaient pour un bon 12h00!
Jour 1 (14 septembre)
Première journée de l’expédition. La fébrilité nous habite. C’est le début d’un long voyage. La journée s’annonce passablement bonne. Le niveau de difficulté s’avère raisonnable pour se réchauffer. Quelques rapides nous donnent des émotions. Un beau 23 km en 5h30! C’est parti mon kiki!
Jour 2 (15 septembre)
La pluie est de la partie. La journée s’annonce mouvementée. De bons longs rapides et une chute à portager. Heureusement, la journée se déroule sans anicroches. Un 23 km en 6h00. Le rythme est bon!
Jour 3 (16 septembre)
Objectif de la journée : atteindre le village de Saint-Michel-des-Saints. Pour ce faire, nous avons un portage de 1,5 kilomètre par la route que nous devrons faire à trois reprises, soit une fois avec notre matériel, une seconde pour le retour et une dernière fois avec le canot. Ce fût l’histoire de notre journée. 1h30 de portage. Sinon beaucoup d’eau calme et un beau rapide. 19 km en 5h00 en excluant 3 km de portage. Nous passons la nuit aux abords du village où nous en avons profité pour se régaler d’un bon repas familial à base de poulet que nous nous sommes procurés chez Provigo. Vive Provigo!
Jour 4 (17 septembre)
Objectif de la journée : terminer la rivière Matawin-Ouest et traverser le réservoir Taureau. Ambitieuse journée me direz-vous. Ce n’est pas tout, nous avons un portage pour éviter la chute qui se jette dans le Taureau. Au final, nous avons fait 7 km pour terminer la rivière, et 25 km sur un lac assez tranquille pour un total de 32 km en 7h30. Journée très satisfaisante dans les circonstances mais notre objectif n’est pas respecté. Exténués et fiers malgré tout de notre journée, nous passons la nuit sur une belle petite plage sur une île au cœur de l’immensité de ce réservoir.
Jour 5 (18 septembre)
Objectif : sortir du Taureau et rejoindre la Matawin-Est. La fin de notre parcours sur le lac c’est fait dans la crainte et dans le doute. 8 km de vent puissant et de vagues de 2 à 3 pieds de hauteurs. Stressant peut être ce réservoir! Par la suite, pour atteindre la Matawin-Est, nous avons dû portager le barrage d’Hydro-Québec. Merci au bon monsieur que nous avons rencontré sur place qui a facilité notre portage avec son camion! Au final, 19 km soit 8 km sur le lac et 11 km sur la rivière pour 5h30 de déplacement. La journée fut écourtée par de fortes pluies.
Jour 6, 7, 8 (19, 20, 21 septembre)
Ces trois journées ont été très similaires. Elles ont été très pénibles, souffrantes et surtout difficiles à accepter. Notre moral a toutefois été apaisé par les beautés naturelles rencontrées sur notre parcours. Nous nous attendions que le vrai défi de notre voyage était dans cette section. C’est pour cela que nous nous étions réservés un peu plus de cinq jours pour franchir les 80 quelques kilomètres restants. Nous avions analysé les cartes de la rivière et elles étaient parsemées de gros rapides, de seuils et d'une chute. Seule différence sur le terrain, presque tout avait l’apparence de chute. Difficile à accepter et surtout très stressant comme situation. Nous avons mis notre plaisir de côté pour se concentrer uniquement sur notre sécurité et tenter du mieux que l’on pouvait de sortir de cette interminable section tumultueuse, grondeuse et parfois effrayante. J’étais si nerveux que le stress, combiné au froid, à la pluie et au son du courant pouvait me faire faire pipi près de 20 fois dans une même journée. Nos journées se sont donc résumées à quelques kilomètres à pagayer, plusieurs à cordeler et à portager! Les statistiques de distances de ces trois journées le prouvent. Vous trouverez également l’événement marquant de chaque journée.
Jour 6 : 20 km en 6h00. Un orignal est venu nous rendre visite dans la nuit.
Jour 7 : 16 km en 6h00. Seul et unique chavirement dans un rapide. Résultat, deux sangles perdues, une bonne frousse et Audrey s’est fait un beau gros bleu sur une foufoune.
Jour 8 : 10 km en 6h00. Cordelles et portages à l’infini et découverte de la plus grosse chute du voyage. Une chute verticale importante et épeurante de plus de 20 pieds de haut avec un bruit terrifiant. Nous avons dormi en amont de celle-ci!
Jour 9 (22 septembre)
La fin approche. Nous pensons à quoi nous allons manger à notre retour. Cependant, il nous reste beaucoup à faire et la journée débute avec le portage de la chute. Hourra, nous découvrons un sentier de portage sur la rive droite. Par la suite, quelques petites cordelles et beaucoup d’eau calme. Notre objectif de la journée, aller dormir sur les rives de la rivière dans le parc national de la Mauricie. Je connaissais bien ce campement pour l’avoir déjà utilisé lors d’une expédition de randonnée pédestre dans l’arrière-pays du parc. Mission accomplie, 26 km en 6h30 et un magnifique couché aux abords du rapide et du ruisseau des cinq qui porte le même nom.
Jour 10 (23 septembre)
Dernière journée. La nostalgie mélangée à un sentiment de très grand bonheur s’emparent de nous. Il ne nous reste seulement qu’un peu plus de 4 km pour sortir de la rivière et arriver au point de rencontre déterminé avec notre famille qui viendra nous chercher. La dernière section de 9 km de la rivière se nomme le rapide des cinq. Près de 9 km de rapides sportif continu, sans interruption. Nous en avions franchis la moitié la veille. L’autre moitié fut très intense. Nous avons affronté d’impressionnantes vagues d’une hauteur qui dépassait la tête d’Audrey agenouillée à l’avant du canot. Conséquence, notre embarcation s’est remplie d’eau et nous n'avions plus de contrôle sur celle-ci. Nous étions tout simplement trop lourds. Heureusement que nous sommes parvenus à gagner la rive pour pomper toute cette eau! Nous arrivons au point de sortie en moins de trente minutes! C’est fait! Nous avons vaincu la Matawin. Vivement le confort de notre demeure!
En conclusion
Les régions de Lanaudière et de la Mauricie regorgent de plusieurs trésors cachés. Nous en avons découvert plusieurs et nous avons été charmés. Dans la réserve faunique Rouge-Matawin, la rivière est tout simplement magnifique. Le niveau de difficulté pour la pratique du canot ou du kayak est intéressant pour ceux et celle qui ont peu d’expérience. L’eau est limpide et très invitante pour la baignade. On peut y faire l’observation de la faune et la nature est diversifiée. On y retrouve des sites de camping aux abords de la rivière. La pêche et la chasse y est permis en saison bien sûr.
La section près de Saint-Michel-des-Saints et du réservoir Taureau est marquée par les plages de sable. Ce réservoir d’une superficie de 95km2 gagne à être connu. C’est spectaculaire de voir une si grande étendue d’eau. Les nombreuses îles y compliquent cependant la navigation. Il est intéressant de savoir que ce réservoir fût créé en 1931 alors qu’un barrage voyait le jour sur le rapide Taureau. Les compagnies forestières et les usines de pâtes et papiers de l’époque voulant contrôler le débit de la Matawin et du Saint-Maurice pour le flottage du bois. La construction de ce barrage sur la rivière a eu comme impact d’inonder un très vaste territoire mais surtout d’engloutir le village de Saint-Ignace-du-Lac et d’y contraindre sa population à l’exil.
La section de la rivière en aval du barrage est très impressionnante. On y retrouve beaucoup de roche, des petits canyons, des plages, des îles et surtout beaucoup de gros rapides. Les grands pins qui surplombent la forêt nous saluent de par leur stature.
Finalement, nous avons vécu une expérience très enrichissante. Nous avons appris beaucoup. J’ai mis en application beaucoup d’éléments appris lors de mon baccalauréat en Plein air et tourisme d’aventure.
Je tiens à remercier la réserve faunique Rouge-Matawin pour leur soutien, le centre local de développement de la Matawinie pour leur contribution, Tourisme Lanaudière pour leur visibilité, Roger pour le GPS, Monsieur Harnois pour le téléphone satellite, nos familles pour leur appuie et le transport et finalement ma partenaire et amoureuse qui sans elle, rien n’aurait pu être possible. Merci à tous et à toutes!